Tartuffe au travers d'une activité théâtrale

Publié le par Mgi



Compte-rendu sur l’activité théâtrale menée à la MGI
Thème : Tartuffe de Molière
classe : 3ème B
Du 20 au 24-10-2008
Descriptif des quatre journées :


    La classe était divisée en deux groupes, répartis de la façon la plus équilibrée possible, en tenant compte de la participation volontaire de certains à un travail écrit supplémentaire, demandé par l’une des comédiennes, ainsi que selon des critères plus classiques : garçons / filles, personnalités réservées / affirmées, bavards / discrets, adolescents énergiques / calmes…
    Chaque demi groupe travaillait sous la direction d’une comédienne, habituée à la mise en scène et à la direction d’acteurs, en collaboration avec trois enseignants qui alternaient entre les deux groupes : Mme Giraudon, professeur de musique, Mme Lamende, professeur de français à la retraite, qui nous offrait bénévolement son temps libre et son expérience, ce dont je la remercie, et moi-même, professeur principal de la classe.
    Le travail était concentré sur une vingtaine d’heures, à la suite desquelles les adolescents devaient présenter à leurs camarades une esquisse de présentation du texte abordé.

    Le mardi a consisté en une première approche de la scène, qui avait été surélevée pour l’occasion, afin de signifier symboliquement l’espace sacré du jeu.
 Après un cercle commun où la classe entière est réunie, chaque élève rejoint la comédienne de son groupe.
    Emmanuelle a décidé d’organiser chaque journée autour d’un fil directeur : ce premier jour sera consacré à la question de l’acteur. Pour se présenter, les élèves donnent leur prénom, ainsi qu’une phrase de leur choix, qu’ils ont apprise par coeur. Puis il est décidé que le plateau représente symboliquement la maison d’Orgon, et les adolescents ont pour consigne de se placer à un endroit et dans une posture propre au personnage qu’ils souhaitent incarner.
 Plus tard, s’avançant par « groupe de personnages », ils imaginent d’autres titres à la pièce : « Orgon ou le manipulé », « Damis ou le rebelle », « Tartuffe ou le profiteur », « Mariane ou la perturbée », « Valère ou l’amoureux »…
    Dans le groupe de Chantal, la journée commence par une discussion autour de la pièce telle qu’elle a été mise en scène à l’Odéon. Comme elle souhaitait travailler à partir de productions écrites des élèves, je leur avais demandé de réécrire la première scène en la transposant à des familles d’aujourd’hui : tel adulte se plaignant de la mode des jeunes, telle mère de famille hystérique devant le désordre, telle personne adepte du bio et intransigeante avec la nourriture… A partir de ces travaux, certains passages clés, ou intéressants d’un point de vue dramatique, sont sélectionnés. Ils seront progressivement lus, interprétés et mis en scène par leurs auteurs.
    L’après-midi, en cercle, chaque élève est amené à dire ce qu’il pense personnellement de Tartuffe. Chantal note avec exactitude leurs propos. Suit un travail physique sur le plateau, où il s’agit de gommer les gestes parasites derrière lesquels on croit se protéger du regard d’autrui. Ils ont pour consigne d’observer les gens dans le métro, en rentrant, afin de trouver quelqu’un pouvant représenter Orgon, Damis, Mme Pernelle… 

    Le deuxième jour, après des exercices rituels d’étirements et de concentration, le groupe de Chantal travaille la scène 4 de l’acte I en slam. Cette lecture moderne du texte nous permet de l’entendre différemment. Puis un travail de mime s’organise autour de ce qu’ils ont vu et retenu de leurs observations dans le métro.
    Du côté d’Emmanuelle, cette journée aura pour fil directeur « l’espace scénique ». Dans une improvisation, les élèves marchent en groupe, sans se heurter. Ils doivent trouver un point de repère à regarder, au dessus du public, pour apaiser le trac ou la tension. Puis ils doivent faire une entrée calme, installer le silence et sourire face public. Comme les élèves de cette classe ont particulièrement du mal à rester concentrés et calmes, il est nécessaire d’alterner régulièrement des moments d’écoute et des temps plus physiques. Un exercice de rythme et de percussion naît spontanément, qui sera conservé pour la représentation.

    Le troisième jour, les ébauches de « tableaux scéniques » sont retravaillées : l’improvisation du métro, la discussion autour de Tartuffe, la mise en scène de leurs écrits, les instantanés autour du titre de la pièce, les alexandrins appris par cœur, les groupes de personnages… L’après-midi, Ernesto, le technicien qui s’occupe de la lumière, travaille avec chaque groupe pour mettre en valeur ces compositions. Les élèves commencent à avoir une idée plus précise de ce qu’ils présenteront le lendemain.

    Le vendredi, les deux groupes répètent à tour de rôle sur le plateau, puis se présentent mutuellement leur travail pendant un filage, avant de le proposer en public à une autre classe du collège venue pour l’occasion, ainsi qu’aux parents ayant pu se libérer (ce dont je les remercie).

Ambiance de travail et attitude des élèves au cours de cette semaine particulière :


    Ce que nous avions pu remarquer dans cette classe de manière diffuse, à savoir une énergie débordante, difficile – et parfois impossible ! - à canaliser, une énorme difficulté de concentration, et par conséquent d’un travail plus approfondi et autonome, un désir constant de s’amuser et de profiter de la vie, une envie d’apprendre tant qu’il n’est pas question d’efforts soutenus, une gentillesse brouillonne et maladroite à l’égard des adultes chargés de leur apporter un savoir… tout cela s’est pleinement vérifié au cours de ces journées intenses et fatigantes.

    Le jeudi, face à la multiplication des retards, des désobéissances immatures et des moments d’agitation et de bavardages pendant le travail, j’ai dû intervenir de façon autoritaire dans les deux groupes, interrompant le travail théâtral, pour les recadrer.
(...)
Je commence à mieux cerner les difficultés ressenties depuis le début de l’année. Pour onze filles, cette classe regroupe seize garçons, pleins d’une vitalité exubérante et puérile ; à l’exception de trois ou quatre, calmes et contrôlés, ils sont tous gentils mais désireux de s’amuser, et parfaitement inconscients des enjeux de cette année. La plupart présente une incapacité totale à se taire et à se concentrer plus de quelques minutes. Sur le plateau, cela se voit physiquement : tandis qu’un adulte parle (et il ne s’agit pas ici de leçons abstraites, de mathématiques ou de grammaire, mais de jeu et de rapports humains), ils ou elles discutent, se bousculent, se balancent, se tripotent, gigotent, s’affalent…sans du tout être conscient du manque de respect et de la perte de temps que cela implique pour le groupe. Cette agitation permanente ne les empêche pas d’appliquer les consignes  - d’ailleurs le travail présenté était de qualité -, simplement tout est brouillon et inachevé.

    Le plus bel exemple de leur façon d’être en groupe a été offerte aux quelques parents venus les voir le vendredi. D’abord leur manque de concentration les rendait peu capables de couper l’interaction avec le public, et donc de maîtriser leur envie de rire ou de faire le clown. Comme les comédiennes, mes collègues et moi-même avons mené ce projet avec deux classes de troisième, nous avons pu faire la différence. Les moments de théâtre offerts étaient d’égale qualité, mais l’investissement et l’appropriation individuelle différents. 
Par ailleurs, à la fin de la représentation, il leur a été impossible de se maîtriser dix minutes de plus pour échanger sur le moment rare et particulier qu’ils venaient de vivre. Se contenir quarante minutes représentaient un tel effort qu’ils n’ont pu que se défouler frénétiquement sous nos yeux, scandant à voix forte, en tapant du pied, le nom des adultes ayant encadré cette expérience, façon adolescente  - et très maladroite – de les remercier.
    Certaines personnes ont vécu cela comme un manque de respect à l’égard des enseignants présents, je crois qu’il n’en est rien ; il s’agissait simplement d’une démonstration instinctive de jeunes chiots, et non de remerciements policés. Pour ma part, j’étais simplement épuisée après une semaine entière avec eux, et déçue, une ultime fois, par le fait que l’énergie incontrôlable d’une majorité rende impossible un échange de parole avec les plus calmes, les plus réservés de cette classe, ou avec ceux de 3èmeC qui les avaient sagement écoutés.
Pour ce qui est des objectifs qui sous-tendent ce projet, ils sont partiellement remplis, selon moi.
Mon premier but était de leur permettre d’exprimer leur propre vision d’une pièce du répertoire classique, après l’avoir étudiée en classe et après l’avoir vue au théâtre, pour certains. Ils l’ont parfaitement atteint : j’ai été heureuse de constater qu’ils avaient compris, aimé cette étude, et qu’ils pouvaient défendre leur point de vue sur ce grand classique.
Je souhaitais aussi qu’ils découvrent un nouveau moyen d’expression artistique ; à ce niveau je suis mitigée : pour les raisons évoquées plus haut, ils n’ont fait que frôler ce travail, je ne crois pas qu’ils en aient retiré un enseignement précis.
Ces journées avaient aussi pour but de souder positivement et de motiver une classe ayant du mal à se mettre au travail, et là je suis plutôt négative.  L’expérience a mis à jour des réelles mésententes ; le fait qu’elles soient « parlées » permettra peut-être de les résoudre, mais j’en doute.
Enfin, à quelques exceptions près, le déplacement de la classe dans un cadre non scolaire n’a pas incité les élèves à s’impliquer davantage dans l’effort. Ils ont surtout apprécié les magasins des Halles, à l’heure de la pause, et l’idée de ne pas aller au collège ; cela peut se comprendre mais ce n’était pas l’objectif de cette rencontre !
Christine Roussille (professeur de français)

Publié dans Paroles de profs

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